Chercheurs de lumière

Réflexion sur l’évangile du 13 mars: 2e dimanche du Carême

Depuis ce jour-là, pour Abraham, le ciel avait changé de visage. Chaque fois qu’il levait les yeux vers les étoiles, lui revenait à l’esprit la promesse qui lui avait été faite: «Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux…»… «Telle sera ta descendance!» Abraham se souviendrait toute sa vie de cette «sombre et profonde frayeur» qui l’avait alors saisi. Dieu avait frôlé son existence et, pour lui, le monde avait été bouleversé. Désormais les choses elles-mêmes s’étaient mises à murmurer aux oreilles de son cœur le nom de l’Indicible.

Pour Pierre, Jacques et Jean, le visage de Jésus était devenu comme le ciel étoilé de leur ancêtre Abraham. Désormais, ils ne pourraient s’empêcher d’y chercher cette lumière qui avait transfiguré sa chair d’homme. Même aux plus sombres moments de la Passion, sur le visage de Jésus humilié et outragé, couvert de crachats et défiguré par la souffrance, ils chercheraient, jusqu’au désespoir, cette lumière qu’ils avaient contemplée sur le mont Thabor. En levant, l’espace d’un bref instant, le coin du voile, Dieu venait de transformer la vie de ces hommes. Ils étaient devenus des chercheurs de lumière.

Jusqu’alors, en effet, s’ils avaient été fascinés par le mystère qui se dégageait de la personne de Jésus, s’ils avaient été déroutés par ses miracles au point de lui demander de s’écarter de leur chemin, s’ils avaient été séduits et rebutés à la fois par sa parole, ils étaient demeurés enracinés dans ce monde. Le royaume qu’ils cherchaient à bâtir, les premières places qu’ils convoitaient, c’était bien dans cette Jérusalem de pierres et de foules qu’ils les imaginaient. Pour eux, l’existence avait encore cette opacité, cette apparente certitude qui nourrit les rêves de réussite de tous les hommes.

En levant le coin du voile, l’espace d’un très bref instant, Dieu ne leur avait pas seulement ouvert les yeux sur la personne de Jésus, qu’ils croyaient pourtant déjà connaître, mais il les avait surtout révélés à eux-mêmes. En leur montrant l’autre face du monde, l’autre visage de la réalité, Dieu avait éveillé cette part d’eux-mêmes, celle que rien ne pourrait jamais satisfaire en ce monde. En voyant Jésus transfiguré, entre Moïse et Élie, c’est leur propre soif qui venait de se creuser, au cœur de leur propre cœur. Ils étaient devenus «citoyens du ciel», selon les termes mêmes de saint Paul.

Et nous aussi, si nous gravissons la montagne des Écritures, nous pourrons peut-être apercevoir un jour le Seigneur transfiguré, entre Moïse et Élie! Si nous gravissons le chemin tracé par les prophètes et les amis de Dieu, sans nous laisser décourager par l’aridité du chemin; si nous osons nous reposer à l’ombre des Écritures, dans l’obscurité de la nuée, nous pourrons aussi, à notre tour, découvrir le visage transfiguré de Jésus.

Alors, comme Abraham, comme Pierre, Jacques et Jean, nous deviendrons, nous aussi, des chercheurs de lumière. Le monde entier, les étoiles du ciel et le visage de nos frères nous parleront de lui. Que ce soit dans l’abondance ou l’indigence, dans l’épreuve ou le succès, c’est lui qui «nous montrera son visage et nous dévoilera sa face; alors, nous serons sauvés».

Père Jerry Tony Solano

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