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Réapprendre notre vocation



Réflexion sur l’évangile du 26 février, 1er dimanche du Carême


Il y eut un jardin qui devint un désert. Il y eut un premier Adam qui vivait dans le jardin, et il y eut le second Adam, Le Christ Jésus, qui fut poussé par l’Esprit au désert. Et enfin, il y eut le tentateur, celui qui avait promis aux hommes qu’ils seraient comme des dieux!


Ainsi, comme un écho lointain, aux deux extrémités du temps, se déroulent deux scènes où l’histoire semble vouloir s’inverser et boucler une boucle, en gommant, d’un geste, des siècles de servitude.


Peut-être serions-nous tentés, au premier abord, d’enfermer l’histoire humaine dans cette antithèse! Jésus serait venu pour refaire de nos déserts des jardins, pour ouvrir, de nouveau, les portes de l’Éden. Mais voilà, il nous faut bien constater que le péché paraît toujours régner dans le monde et que la victoire de Jésus sur la tentation n’a pas transformé, pour autant, nos déserts en jardins. L’âpreté du monde semble même, par moments, se durcir encore et devoir engloutir les dernières espérances que nous avions mises dans le progrès d’une humanité en marche.


Ce que l’Évangile nous propose, ce n’est pas un pur retour à la case de départ, comme si la souffrance de millions d’hommes et de femmes pouvait ainsi être effacée, du revers de la main, mise entre parenthèses et engloutie à jamais dans les abîmes de l’histoire. Non, le jardin qui s’ouvre devant nous n’est pas l’Éden des origines, celui dont la nostalgie emplit tant d’utopies religieuses, de rêveries spirituelles et d’idéologies de bonheur. Ce n’est pas vers ces mirages trompeurs que Jésus nous invite à marcher, mais vers la croix et la résurrection. Car notre vocation n’est pas de revenir sur nos pas, de rebrousser chemin vers un paradis perdu, mais plutôt d’aller de l’avant, tendus de tout notre être, pour tâcher de le saisir.


Et ce lieu de notre vocation, c’est justement là, au cœur de la tentation, entre le premier et le second Adam, qu’il se trouve. C’est là, au cœur de la blessure de notre manque, de cette faiblesse dont nous avons tellement honte au point d’en couvrir la nudité par toutes sortes de ruses, c’est là que se trouve l’orient de notre être, le jardin où Dieu ne cesse de nous attendre, depuis l’origine.


Et la tentation, c’est plutôt de céder à la frénésie de combler ce manque, d’en boucher toutes les fissures pour échapper au vide qui nous ronge, à cet être en creux que nous sommes. Ce fut bien là l’expérience d’Adam et Ève, qui ne purent résister au désir d’être comme des dieux, parce qu’ils avaient entrevu, l’espace d’un instant, le vertige de tout ce qui leur manquait.


C’est pourquoi ce chemin d’humanité, c’est Dieu lui-même qui est venu l’ouvrir à nouveau pour nous. En prenant chair de notre chair, en se vidant de lui-même, il est venu, en Jésus, nous réapprendre notre vocation d’hommes et de femmes. En prenant le chemin de Jérusalem pour y mourir sur une croix, Jésus a écarté, pour toujours, les paradis perdus et les bonheurs sans horizon. En refusant de transformer les pierres en pain, en écartant privilèges et désirs de puissance, Jésus nous a ouvert une voie nouvelle, un chemin qui passe certes par la croix, mais qui débouche dans la Vie.


Tony Solano, prêtre


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