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Les jours de Noé


27 novembre, 1er dimanche de l’Avent


Bien que notre époque soit moins sensible aux récits de l’Ancien Testament, certains d’entre eux, comme le récit du déluge et de l’arche de Noé, continuent à hanter l’imaginaire collectif. Cependant, si l’allusion que fait l’Évangile à cet épisode du livre de la Genèse ne nous est pas tout à fait étrangère, elle n’en demeure pas moins énigmatique. Jésus y compare «la venue du Fils de l’homme» à ce qui se passa au temps de Noé, avant le grand cataclysme qui emporta l’humanité dans ses flots en ne laissant que quelques survivants.


On ne peut pas comprendre ce que veut nous dire Jésus que si l’on se familiarise avec le sens profond de ces récits. En effet, le récit du déluge se présente comme l’antithèse des premiers chapitres du livre de Genèse, qui évoquent la création du monde et de l’homme. Ainsi, le déluge se présente d’abord comme une «anti-création», une «décréation». Au monde qui sort des eaux du néant pour advenir à l’être, le récit du déluge oppose l’engloutissement dans les eaux du néant de ce monde rongé par le mal et le péché de l’homme. Car c’est parce que son cœur est rongé par le mal, la violence et la haine que l’humanité s’engouffre dans le non-être, submergée par sa propre faute.


Mais le récit ne s’arrête pas là. À cette «décréation» succède une nouvelle création, dont Noé est le prototype, car c’est un «homme juste et intègre, qui marche avec Dieu», comme nous le rapporte le livre de la Genèse. Ainsi, à la «décréation» du mal s’oppose l’œuvre de la «récréation» du bien dans le cœur du juste. Si Noé ne sombre pas dans le néant, c’est parce qu’il a choisi de «marcher avec Dieu», de suivre ses chemins en faisant alliance avec lui, en entrant dans son arche.


Pour Jésus, «l’avènement du Fils de l’homme» est donc semblable à cette nouvelle création. Cependant, il met en garde ses disciples contre une vision un peu trop simpliste de ce qui doit venir en explicitant certains points de l’histoire de Noé. Il commence par nous rappeler l’aveuglement des contemporains de Noé. Ils n’ont rien vu venir, «ils ne se doutaient de rien». Ils ont glissé, peu à peu, insidieusement, sur cette pente du mal qui a fini par les engloutir complètement, sans qu’ils s’en rendent compte, aveuglés par leur propre méchanceté.


D’autre part, Jésus précise que cela ne dépend ni de l’activité que nous exerçons ni du lieu où nous nous trouvons. Il ne suffit pas de revêtir l’habit monastique, de parler des choses spirituelles ou de se croire juste pour éviter le gouffre qui conduit au néant. Saint Paul le rappelle avec véhémence dans l’épître aux Romains: il s’agit de rejeter «les activités des ténèbres», «ripailles, beuveries, orgies, débauches, disputes et jalousies», pour «revêtir» l’homme nouveau, «le Seigneur Jésus Christ». Car cette création nouvelle est une création d’unité et de paix, et non pas de division et de guerre.


Quant au temps et au moment, Jésus ne veut rien en dire, car c’est déjà maintenant, dans notre existence de chaque jour, que se fait le partage. C’est pourquoi l’Église nous invite, en nous offrant de méditer ces textes de l’Écriture, à cette lucidité et à cette honnêteté qui nous permettront de discerner la pente véritable de notre vie. Car le temps de l’avent, c’est un temps d’appel à la conversion, un temps où Dieu nous tend la main pour que nous abandonnions les chemins du mal et du mensonge; un temps pour que nous changions de vie, pour que nous choisissions la vie, au lieu du néant.


Père Tony Solano

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