La puissance de la prière

Réflexion sur l’évangile du 16 octobre, 29e dimanche du temps ordinaire
«Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?» (Luc 18, 8) La question par laquelle Jésus conclut cette parabole nous indique qu’il existe un lien étroit entre la foi et la persévérance dans la prière. Mais Jésus va encore plus loin, car il fait de l’entêtement de cette veuve qui vient «casser la tête» de ce juge inique le modèle de la foi à laquelle il invite chacun de ses disciples.
Et pourtant la prière persévérante de cette veuve a quelque chose d’inexplicable, et même de dangereux. En effet, la constance de cette femme ne peut s’appuyer sur rien de solide. En face d’elle, il y a d’abord ce juge cynique, dont Jésus nous trace un portrait sans concession. Ce dernier se flatte de ne craindre personne, ni Dieu ni les hommes. La parabole ne nous laisse espérer de sa part aucun mouvement de bonté et de compassion. Son cœur, complètement endurci, semble totalement inaccessible à toute humanité. La veuve n’a donc rien à attendre de lui.
D’autre part, cette veuve n’a rien à offrir pour acheter la clémence de son juge. On pourrait en effet imaginer que celui-ci fait partie de cette race d’hommes dont on n’obtient rien sans une certaine compensation. Mais Jésus a précisément choisi de mettre en scène une veuve pour souligner l’indigence de celle qui demande justice. Cette veuve ne peut donc ni toucher ni même acheter la conscience de ce juge. Elle se retrouve les mains vides.
Et c’est bien là ce qui fait sa force. Elle n’a plus rien à perdre, elle est libre de cette crainte, de cette timidité qui, si souvent, nous font reculer, nous empêchent de demander. Sa seule arme, désormais, c’est sa prière; une prière qui ne tire sa force ni de la bonté de celui à qui la veuve s’adresse, ni de ce qu’elle pourrait donner en échange. À travers sa pauvreté, elle a enfin découvert la véritable puissance de la prière, une prière qui finira par vaincre le plus intraitable des juges.
À travers cette parabole de la prière de la veuve, Jésus nous dévoile en fait le mystère de la véritable prière, le mystère de sa propre prière. À ses disciples fascinés qui lui avaient demandé de leur apprendre à prier comme lui, Jésus a révélé, peu à peu, le long chemin de la prière. Ce chemin, s’il passe par les rencontres solitaires dans le silence de la nuit, s’il fait halte, pour un instant seulement, sur les hauteurs lumineuses du mont Thabor, finit toujours par traverser le jardin des Oliviers et le mont du calvaire, et par se perdre dans les abîmes de la foi. Car c’est là, dans des larmes de sang et un grand cri, que la prière est enfin désarmée.
Cette prière désarmée qui persévère dans la nuit, cette prière qui n’a plus rien à attendre, plus rien à offrir, plus rien à défendre, c’est en effet la prière de la foi nue. Une foi qui peut transporter les montagnes et ressusciter les morts, une foi qui peut changer le monde parce qu’elle a accepté sa propre impuissance et n’en a plus peur.
Père Tony Solano