La fragilité de la foi

2 octobre, 27e dimanche du temps ordinaire
À mesure que grandit leur intimité avec Jésus, les disciples semblent se découvrir eux-mêmes sous un jour nouveau. Eux qui, dès le début, avaient tout laissé pour le suivre, prêts à affronter tous les dangers, voilà qu’ils se retrouvent tout à coup pauvres et démunis. De façon paradoxale, la présence toute proche de Jésus fait naître en eux le doute, l’incertitude et les pousse à crier: «Augmente en nous la foi!» (Luc 17, 5)
Ainsi, loin de conforter ceux qui le suivent dans une assurance pleine de superbe, Jésus cherche au contraire à les dépouiller de toute trace de fanatisme, de tout sentiment orgueilleux de supériorité. Ainsi, celui qui désire s’approcher de Jésus, faire l’expérience de son intimité, commence toujours par être renvoyé à ses propres limites, à sa propre pauvreté. Il suffit d’un simple regard de Jésus pour faire voler en éclats la belle image que nous portons de nous-mêmes.
C’est parce qu’ils ont rencontré Jésus, parce qu’ils ont fait l’expérience de son étonnante relation avec son Père, que les disciples ont pressenti que leur foi était bien loin de celle de Jésus. En fait, leur foi était si petite qu’elle n’atteignait même pas la taille d’une graine de moutarde! C’est alors seulement, en le voyant prier dans la nuit, qu’ils ont compris qu’ils ne savaient rien de la véritable prière, qu’ils ont ressenti le désir d’apprendre à prier. C’est à son contact, en le voyant si proche des hommes, qu’ils ont expérimenté qu’ils ne savaient rien de l’amour.
Le premier fruit d’une intimité véritable avec Jésus peut donc paraître bien amer, puisqu’il nous fait prendre conscience de la faiblesse de notre foi. Et nous pourrions alors être tentés de fuir, pour sauver l’image que nous nous faisions de nous-mêmes, si Jésus ne venait à notre secours.
Mais il existe encore une autre tentation, bien plus subtile, qui guette chacun d’entre nous, et contre laquelle Jésus nous met lui-même en garde. En effet, pour échapper à cette fragilité qui est la nôtre, à ce peu de foi qui nous habite, nous pourrions avoir la tentation, comme les disciples, de nous prévaloir de ce que nous avons fait, de ce que nous avons laissé pour lui, reprenant à notre compte les paroles de l’apôtre Pierre: «Voici que nous avons tout quitté pour te suivre: quelle sera donc notre part?» (Mt 19, 27)
Et, sans doute, n’est-ce qu’après avoir parcouru le long chemin de Pierre, celui qui va de Béthanie à Jérusalem, et du mont des Oliviers au Golgotha, que nous pourrons aussi, à notre tour, expérimenter ces paroles de Jésus: «Nous sommes de simples serviteurs.» (Luc 17, 10)
Pour les premiers disciples comme pour tous ceux qui, au fil des siècles, se mettront à la suite de Jésus, et pour nous aussi, l’expérience d’une véritable intimité avec le Fils passera toujours par la découverte de notre propre fragilité. Car c’est là, au cœur même de notre faiblesse, que se déploie la force de Dieu.
Père Tony Solano