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J’ai mal à mon et à notre Église


Ce lundi 30 janvier 2023, deux commissions indépendantes — mandatées l’une par L’Arche, l’autre par les dominicains — ont publié leurs rapports dont l’objectif était de faire la lumière sur les abus sexuels et spirituels commis par Jean Vanier et les frères Philippe.


J’ai pris connaissance en février 2020 d’un premier rapport d’une commission indépendante, mandatée par l’Arche, dans une entrevue accordée à Stephan Posner (responsable de l’Arche internationale) sur la chaîne KTO. J’ai été sidéré, bouleversé, remué de fond en comble. Je me suis senti trahi. Qui d’entre nous ne connaît pas Jean Vanier, fils du gouverneur général du Canada (1959-1967), Georges Vanier, auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages, et considéré comme un «saint» de son vivant?


J’ai vécu deux retraites «Foi et partage» d’une semaine animées par Jean Vanier dans les années ’80, à la cathédrale de Sherbrooke et à Québec (des rassemblements partagés entre une église, située en face du cégep de Limoilou, et, si je me souviens correctement, sur une place publique dans le Vieux-Québec). Des retraites ouvertes au grand public et qui ont attiré bon nombre de personnes, parfois des centaines, voire un millier, à chacune de ses conférences, deux par jour, le tout enregistré sur vidéo. Cet homme m’était une inspiration, par sa vie et par ses écrits.


À la paroisse Sainte-Thérèse d’Avila, Jocelyne Declerck et Andrée Turgeon ont été sensibilisées à la démarche de l’Arche, voulant offrir aux personnes atteintes d’un handicap intellectuel — grâce à l’association «Foi et lumière» — un milieu de vie propice à leur bien-être, bien souvent par le biais de rencontres mensuelles, où elles seraient accueillies comme des personnes à part entière.


Sur l’invitation d’une publication sur la page Facebook de l’auteur et écrivain Jacques Gauthier, j’ai pris mon courage à deux mains. J’ai plongé et parcouru l’article publié ce 30 janvier dans La Croix. Treize minutes de lecture intense. Un tour de force pour les deux journalistes Christophe Henning et Céline Hoyeau (La trahison des pères, 2021) qui réussit à nous offrir une synthèse fort compréhensible à partir d’un rapport accablant de 900 pages.


Ma réaction? Viscérale. Comme si on m’arrachait mes tripes. J’en ai un haut-le-cœur, presque une envie de vomir. De prendre conscience que les évènements rapprochés à Jean Vanier et aux frères Philippe remontent à… si loin dans le temps.


J’ai mal à mon et à notre Église.


Mais, mais… loin de moi de porter un jugement contre une autorité, ou encore remettre en cause nos instances ecclésiastiques.


Je vous raconte une petite anecdote.


À mes 26 ans, presque deux ans après ma décision de suivre plus assidûment le Christ et dans ma vie personnelle et sur le plan professionnel, je m’interrogeais sur l’efficacité du sacrement du pardon, comme s’il était conditionné par la « sainteté » de la vie du prêtre. Après tout, dans le milieu industriel dans lequel j’étais plongé et étant fréquemment appelé à me déplacer par affaire au Canada et aux États-Unis, j’étais fort conscient des enjeux — et de mes limites — à vivre mon appel comme laïc dans une société en perte de repères. En fait, j’étais plutôt gêné de poser la question à un prêtre. Un jour, je me suis lancé. Et notre curé à l’église du Précieux-Sang à Repentigny, l’abbé Pierre-Paul Desjardins, m’a répondu avec une infinie délicatesse, en me regardant droit dans les yeux :


«Tu sais, André, même si le confesseur, disons moi-même, est dans un état de péché mortel, c’est Jésus lui-même, dans la personne du prêtre, qui t’accueille et qui te pardonne TOUS tes péchés.»


Jésus nous connaît. Si l’apôtre Pierre, notre premier pape, a renié par trois fois son adhésion au Christ, alors sommes-nous si différents dans notre pensée et dans notre agir?


Tout comme le démontre le film Spotlight (2015) * qui a mis en lumière le scandale impliquant des prêtres pédophiles dans la région de Boston, nous avons TOUS une responsabilité face à l’autre, qu’il soit prêtre, laïc, jeune ou moins jeune.


L’abcès est crevé. Aidons-nous les uns les autres à ne point juger, mais à nous relever, à rectifier le tir, à nous corriger de nos suffisances et de nos justifications. Comme cette personne itinérante assise aux portes d’une église, la tête penchée et cachée dans sa main pour éviter les regards condescendants et la honte, le corps et les vêtements salis par une vie dans la rue sous les intempéries, Jésus mendie notre regard et une parole qui ne jugent point, mais qui relèvent.


André LaRose


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* Le film dramatique américain Spotlight (2015) raconte la rédaction d’un important article par une équipe d’investigation du Boston Globe dévoilant un scandale impliquant des prêtres pédophiles dans la région de Boston. Il est fondé sur les histoires des différents journalistes de la véritable équipe Spotlight, lauréate du prix Pulitzer en 2003. Voici la bande-annonce en français: https://www.youtube.com/watch?v=i7VHsCoXayY


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