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Es-tu celui qui doit venir ?


11 décembre, 3e dimanche de l’Avent


«Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3) Cette question de Jean avait dû laisser ses disciples sans voix. Comment se pouvait-il que lui, le prophète du désert, toujours si sûr de lui, toujours prêt à braver les prêtres et à reprendre les puissants de ce monde, comment se pouvait-il qu’il soit assailli par le doute? Au fond de sa prison, abandonné de tous, le voilà aussi dépouillé de son unique certitude, de son ultime raison de vivre et de mourir. Tout proche de la mort, alors que les foules se pressent autour de celui qu’il annonçait, le voilà qui doute! «Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3)


Pourtant, la question de Jean, le doute de Jean ne sont-ils pas aussi les nôtres? Ne devrons-nous pas nous aussi, un jour ou l’autre, affronter comme lui cette interrogation sur la personne de Jésus? Car il est un moment où les plus belles explications ne suffisent plus, où les mots ne parviennent plus à dissimuler l’angoisse de nos attentes. «Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?» (Mt 11, 3)


Jésus ne s’en offusque pas. Loin de rejeter la question de Jean, il y répond avec les termes mêmes que le prophète Isaïe avait employés: «Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.» (Mt 11, 5) Et il ajoute cette phrase énigmatique: «Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute!» (Mt 11, 6) Car le problème de Jean et de tous les disciples après lui, c’est de renoncer à leur propre attente pour recevoir celui qui vient.


Les premiers chrétiens ne s’y sont pas trompés, et c’est pourquoi ils ont gardé précieusement l’épître de Jacques. Car eux aussi ont été déçus dans leur attente, déçus au point de fléchir et de se laisser aller à murmurer les uns contre les autres. Eux aussi, comme Jean au fond de sa prison, ont fini par se demander si Dieu était vraiment au milieu d’eux, parce qu’ils ne voyaient rien venir!


C’est que, d’une certaine manière, comme Jean, comme tous les hommes de tous les temps, ils attendaient un Dieu tout-puissant qui viendrait bousculer les méchants et renverser les puissances de ce monde. Ils attendaient que Dieu réponde à leur désir! Et ce n’est que peu à peu, en méditant la Bonne Nouvelle, en la laissant grandir en eux, qu’ils ont découvert que Dieu était venu pour changer leur désir.


Car les signes de Jésus n’ont rien à voir avec notre attente. Ils ne changent pas le monde, mais le regard que nous portons sur le monde. Ils nous ouvrent les yeux, les oreilles et le cœur pour que nous puissions le reconnaître. Les signes de Jésus n’ont rien de grandiose et d’éclatant, et lorsqu’ils bouleversent les foules et semblent faire l’unanimité autour de lui, alors Jésus exige le silence ou s’enfuit dans le désert.


C’est uniquement si nous acceptons cela que nous pourrions, à notre tour, recevoir les signes essentiels du salut: l’humble naissance d’un enfant dans une étable de Bethléem, la mort douloureuse de Jésus sur la croix, et sa résurrection, presque confidentielle, au matin de Pâques. C’est uniquement si nous acceptons que Dieu ne soit pas comme nous l’attendions que nous pourrons reconnaître le corps du Seigneur dans son Église humble et nue, déchirée par les tensions et les divisions des hommes. Et c’est uniquement si nous acceptons que Dieu soit Dieu, et non la réponse à nos questions, que nous pourrons reconnaître, dans notre propre existence, le miracle de sa présence et découvrir que notre histoire personnelle est une histoire sainte, où Dieu vient naître de nouveau!


Père Tony Solano

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